Qui est Missak Manouchian (1906-1944) ?
« Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. »
Missak Manouchian, Lettre à Mélinée, Prison de Fresnes, 21 février 1944.
«Vous avez hérité la nationalité française, nous l’avons méritée. »
Lors de son simulacre de procès, Missak Manouchian ripostant à ses accusateurs
Missak, dit Michel, Manouchian, né le 1er septembre 1906 à Hısn-ı Mansur et mort fusillé à trente-sept ans le 21 février 1944 au fort du Mont-Valérien, est un arménien immigré, poète, militant communiste de la Main-d’œuvre immigrée (MOI) et commissaire militaire des FTP-MOI parisiens.
Missak Manouchian naquit dans ce qui était alors l’Empire ottoman, en Arménie, dans une famille de paysans. À neuf ans, il assista aux massacres perpétrés par les Turcs contre le peuple arménien. Il perdit sa famille dont il fut, avec son frère Karapet, un des seuls survivants. Ces massacres marquèrent profondément le jeune homme déjà élevé dans le souvenir des massacres précédents de la fin du XIXe siècle.
Recueilli avec son frère dans un orphelinat à Djounié, actuel Liban, dans une région placée alors sous protectorat français, il y subit l’influence de la culture française et développa un attachement profond pour ce pays qui lui apparaissait comme protecteur et bienfaiteur. En 1925, il débarqua à Marseille (Bouches-du-Rhône) et travailla quelque temps aux chantiers navals de La Seyne (Var) puis monta à Paris où il fut embauché comme tourneur chez Citroën. Son frère mourut en 1927, ce qui accentua son isolement. Il fut licencié au début de la crise des années 1930.
Missak Manouchian écrivait depuis son plus jeune âge des poèmes et pratiquait le sport, en particulier la gymnastique. Condamné au chômage, il se livra à ses activités artistiques et sportives tout en participant à la création, en juillet 1930, d’une revue littéraire, Tchank (L’effort), qui parut une année puis fut remplacée par Machagouyt (Culture). Il y publia les traductions de poèmes de Baudelaire, Verlaine et Victor Hugo et ses premiers écrits.
Marqué comme beaucoup d’immigrés par les événements de février 1934, il adhéra au Parti communiste et participa aux activités du groupe arménien rattaché à la MOI. Il devint le responsable en 1935 du journal Zangou (nom d’un fleuve arménien) publié sous l’autorité du HOC (Haïastani Oknoutian Komite ou comité de secours à l’Arménie, créé en 1921 à Erevan et dirigé par le docteur Kaldjian). Ce fut au sein de cette organisation qu’il fit la connaissance de Mélinée Assadourian qu’il épousa en février 1936. Après la dissolution du HOC en 1937, il sillonna la France pour constituer l’Union populaire franco-arménienne et regrouper tous les Arméniens de France favorables aux forces de gauche. Il fut, sans doute en raison de cette responsabilité, arrêté au début de la « drôle de guerre » à la suite de la dissolution des organisations proches du Parti communiste. Libéré, il fut intégré à l’armée et affecté dans une usine de la région rouennaise.
De retour à Paris en juin 1940, il reprit ses activités mais dans la clandestinité et fut une nouvelle fois arrêté en juin 1941. Interné au camp de Royallieu à Compiègne, il fut libéré au bout de quelques semaines. Chargé des Arméniens au sein de la MOI, il fut versé en février 1943 aux FTP-MOI, premier détachement, sous le pseudonyme de Georges et avec le matricule 10 300. Son romantisme, sa sensibilité qui s’exprimaient dans ses poèmes s’accommodaient mal du travail qu’il devait accomplir, en particulier lorsqu’il s’agissait de s’attaquer à des soldats allemands.
En juillet 1943, il remplaça Alik Neuer, qui venait d’être arrêté, comme responsable technique des FTP-MOI parisiens. Il était alors domicilié clandestinement rue Plaisance et disposait de plusieurs planques dont celle du 19 rue Au-Maire, où est apposée une plaque. Les actions menées par les FTP-MOI parisiens sous la direction de Boris Holban, responsable militaire, furent critiquées par la direction nationale du PCF et des Francs-tireurs et partisans (FTP). Boris Holban fut démis de ses fonctions en août 1943 et Missak Manouchian le remplaça comme responsable militaire des FTP-MOI de la région parisienne. À ce titre, il supervisa le 28 septembre 1943 l’attentat contre Julius Ritter, général SS chargé de recruter la main-d’œuvre française dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO). Action préparée par Boris Holban et pour laquelle Missak Manouchian changea l’un des acteurs.
Mais dès le mois de septembre 1943, Missak Manouchian fut repéré par les Brigades spéciales qui avaient déjà réalisé des séries d’arrestations en mars et juillet. Pour les policiers, dans les filatures, il devint Bourg et son domicile clandestin fut identifié. Le 16 novembre 1943 alors qu’il avait rendez-vous avec Joseph Epstein, interrégional FTP de la région parisienne, il fut arrêté, en même temps que ce dernier, à Évry-Petit Bourg (aujourd’hui Évry dans l’Essonne).
Torturé, il fut remis aux autorités allemandes avec vingt-deux de ses camarades. Un procès à grand spectacle fut organisé par les autorités allemandes et les vingt-trois inculpés furent tous condamnés à mort par le tribunal du Gross-Paris, rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.) le 19 février 1944 et fusillés au Mont-Valérien le 21 février. L’abbé Franz Stock nota dans son journal du lundi 21 février : « Manouchian Missak, qui s’est confessé et a communié ».
Il a été inhumé au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) avec ses camarades
Biographie extraite du Maitron en ligne.
Sources
Le Musée de la Résistance en ligne propose une belle biographie de Missak Manouchian.
Le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (sous la dir. de Jean Maitron, puis de Claude Pennetier), Paris, Ed. de l’Atelier, 1964-1997, 44 vol., est une mine d’informations. Le « Maitron » est disponible en ligne. L’entrée L’Affiche rouge du Maitron numérique permet d’accéder aux biographies des 23 membres des FTP-MOI condamnés dans le cadre du procès dit de l’Affiche rouge.
La page Wikipédia Missak Manouchian est également très riche d’informations.