Missak Manouchian au Panthéon
 MISSAK MANOUCHIAN ENTRE AU PANTHEON

Missak Manouchian, combattant de l’universel et de la liberté entre au Panthéon

Par Jean-Marie Matisson, membre du CA d’Unité Laïque

Jean Moulin, Joséphine Baker et Missak Manouchian

« Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand » quelle magnifique leçon d’universalisme dans la bouche de ce combattant arménien. Il ne se battait pas contre un peuple, il se battait pour une certaine idée de la France « et les mornes matins en étaient différents ».

« Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand » résonne aussi avec cet « Entre ici Jean Moulin », prononcé en 1964 par André Malraux et qui reste un des plus beaux discours du siècle dernier. Jean Moulin et Missak Manouchian, et avec eux, le cortège d’ombres de tous ces résistants d’origine étrangère morts pour la France.

« Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand » résonne encore avec « Ma France, c’est Joséphine »prononcé en 2021 pour rendre hommage à la panthéonisation de Joséphine Baker. Il raisonne toujours et vibre comme la flamme de la Liberté. Joséphine Baker défendait les grands principes universels de liberté, d’égalité et de fraternité.

Missak Manouchian mérite que son nom soit à jamais gravé dans la pierre blanche du Panthéon à côté de ceux de Jean Moulin, de Geneviève Anthonioz de Gaulle, de Pierre Brossolette, de Germaine Tillon, de Jean Zay et de Joséphine Baker. Les résistants ne se trompent jamais, au lieu de céder aux invectives et à la violence, comme l’extrême-droite le propose aujourd’hui, ils répondent par l’engagement, Missak Manouchian était plus français par le sang versé que ceux qui voulaient que « son nom à prononcer soit difficile » et que sa tête sur l’affiche « fasse un effet de peur sur les passants ».

Pour Joséphine Baker, fille métisse d’une Amérique ségrégationniste, pour Mélinée et Missak Manouchian, enfants du génocide arménien, comme pour les 22 autres combattants étrangers qui « criaient la France en s’abattant », la France n’est pas simplement un territoire ou une population, la France est un idéal fondé sur la laïcité, la justice et sur l’unité et l’indivisibilité de la communauté des citoyens.  C’est un pays « plus grand que lui-même » qui a toujours représenté pour le monde entier un symbole et un espoir de bonheur. Il y a encore quelques années les insurgés de la place Maïdan en Ukraine chantaient la Marseillaise comme avant eux tous les peuples qui dans le monde se sont soulevés contre l’arbitraire et la misère depuis 1792.

Mémoire et Transmission

Il y a 108 ans avait lieu le premier génocide du 20e siècle. Les Turcs massacraient 1,5 million d’Arméniens dans l’Empire ottoman finissant. 

Il y a 90 ans, commençait la Shoah avec ses 6 millions de Juifs exterminés.

« Je mourrai avec mes vingt-trois camarades, avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille » seront les derniers mots de Missak Manouchian à son épouse Mélinée née Assadourian. Missak, rescapé du génocide, fuit l’Arménie en 1925, Mélinée en 1926. Ils se rencontrent en 1934 à Paris et s’engagent au sein du Parti Communiste pour finalement entrer en résistance dans les FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans – Main d’Œuvre Immigrée) Mélinée restera résistante jusqu’à la Libération, elle meurt le 6 décembre 1989 à Paris et est enterrée dans le cimetière d’Ivry, aux côtés de son mari.

La date du 21 février 1944 s’inscrit à jamais dans notre mémoire collective et rendre hommage à l’enfant du génocide arménien, au poète, au syndicaliste et au journaliste, fusillé ce jour-là au Mont-Valérien, c’est reconnaître son combat et celui de tous ses compagnons pour la Liberté, c’est lutter contre la négation et l’apologie des crimes de masse, génocides et crimes contre l’humanité, c’est enfin défendre l’honneur et la mémoire des victimes du nazisme et du pétainisme.

Tout comme Joséphine Baker, le résistant arménien, s’engage dans la lutte armée contre les fascistes et l’occupant nazi. Au-delà de la filiation directe entre ces fascistes d’hier et ceux d’aujourd’hui aux portes du pouvoir en France, l’Europe, oublieuse de son passé est en train de sombrer à nouveau dans la peste brune et de s’offrir à la bête immonde. Nous leur devons fidélité, nous ne devons pas oublier leurs actes, nous devons aujourd’hui faire en sorte qu’ils ne soient pas morts pour la France, hier, pour rien.

Pour reprendre André Malraux « Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser » à ces hommes et à ces femmes. (…) Ce jour-là, ils étaient le visage de la France. ». Face à la montée des extrémismes et du populisme, l’enjeu de la transmission aux enfants est essentiel, car, eux, ne se posent pas de questions, ils savent qu’ils se sont battus pour que nous puissions vivre libres.

C’est à nous, adultes de continuer à transmettre. C’est tout le travail que mènent aujourd’hui Unité Laïque et la Ville de Valence et qui aboutit ce jour par l’entrée de Missak Manouchian au Panthéon.

Nous le leur devons, nous nous le devons.

Merci à tous ceux et toutes celles qui nous ont apporté aide et soutien dans ce travail de mémoire.

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Missak Manouchian au Panthéon : c’est Eve Szeftel qui en parle le mieux dans Libération – liberation.fr

Le chef de l’Etat devrait annoncer dimanche, lors de la traditionnelle commémoration de l’appel du 18 Juin au Mont-Valérien, la panthéonisation du résistant. Cette reconnaissance attendue pour le communiste arménien, mort pour la France en 1944, fait l’unanimité politique.

Missak Manouchian au Luxembourg

«Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures […] Je m’étais engagé dans l’Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la ­Liberté sauront honorer ­notre mémoire dignement.» Ce 21 février 1944, Missak Manouchian écrit sa dernière lettre à son épouse, Mélinée, rescapée comme lui du génocide arménien, avant d’être fusillé au Mont-Valérien. Il est le chef pour la région parisienne des FTP-MOI, branche militaire et composée d’étrangers de la résistance communiste qui fit trembler l’occupant jusqu’à son démantèlement par les sinistres Brigades spéciales de la préfecture de police de Paris.

C’est depuis le Mont-Valérien qu’Emmanuel Macron devrait exaucer le vœu testamentaire du résistant. Après avoir fait durer le suspense, le chef de l’Etat s’est dit ce vendredi «extrêmement favorable» à la panthéonisation du résistant, a fait savoir le président du comité Manouchian, Jean-Pierre Sakoun, à l’issue d’une réunion à l’Elysée. Macron officialisera ainsi ­dimanche, en marge de la traditionnelle commémoration du 18 Juin, son entrée au Panthéon le 21 février 2024. Il ­devrait en faire l’annonce dans un communiqué, respectant l’usage de ne pas prendre la parole au moment d’honorer l’appel fondateur de De Gaulle à Londres. Il est par ailleurs prévu que Macron déambule dans la clairière des fusillés, là où est tombé, à 37 ans, le ­résistant ainsi que 21 de ses camarades. Une première : ­jamais un président n’a accompli ce rituel en ce jour dédié à la mémoire de la résistance gaulliste. ­Autre geste, il décorera ­Robert Birenbaum, ancien ­résistant FTP-MOI comme Manouchian, avant d’enchaîner avec la ­cérémonie traditionnelle sur l’esplanade du Mont-Valérien.

Large comité de soutien

L’initiative de la panthéonisation de Manouchian revient à Jean-Pierre Sakoun. Le président de l’association Unité ­laïque a cherché à construire une candidature consensuelle, tirant les leçons de l’échec d’une première tentative en 2014. A l’époque, sous la présidence de François Hollande, le député socialiste Jean-Marc Germain avait proposé le transfert des ­cendres de l’ensemble du groupe Manouchian au Panthéon. Mais quatre résistants, deux femmes et deux hommes (Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Pierre Brossolette, Jean Zay), avaient déjà les faveurs élyséennes pour le temple républicain. Et il n’est pas d’usage d’y faire entrer un collectif.

Portrait de Mélinée Manouchian (1913-1989), immigrée résistante d’origine arménienne, devenue française à la Libération.

Embarqué dans le projet par Sakoun, l’historien Denis Peschanski juge que faire ­entrer Manouchian au Panthéon serait «un acte fort» de la part de Macron, alors que, fait «scandaleux, vu leur rôle décisif dans la Résistance», aucun résistant communiste n’a encore eu de tels honneurs. L’auteur des Etrangers dans la Résistance a pu ­apporter une caution scientifique à la démarche de Sakoun, elle-même adossée à un comité de parrainage resserré, autour de la nièce de Manouchian, Katia Guiragossian, du sénateur communiste Pierre Ouzoulias, lui-même petit-fils d’un résistant, et de Nicolas Daragon, maire (Les Républicains, LR) de Valence, commune surnommée la «Petite Arménie». Après une première ­tribune dans Libération, parue en janvier 2022, le comité a été reçu à l’Elysée au mois de mars de la même année par Bruno Roger-Petit, le conseiller mémoire d’Emmanuel Macron. Le processus était lancé.

Le succès de l’entreprise tient aussi à l’existence d’un large comité de soutien, allant de Patrick Bruel, qui a composé une chanson en hommage au poète résistant, au «chasseur de nazis» Serge Klarsfeld, en passant par la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, ou les présidents de région Carole Delga (PS) et Laurent Wauquiez (LR). Selon Jean-Pierre Sakoun, il n’y a «rien de partisan dans la démarche. Il s’agit d’aider à reconstruire un récit national qui soit celui de la France universelle et universaliste», dans une société «qui est ébranlée à la fois par la question ­migratoire et le refus de beaucoup de descendants d’immigrés d’appartenir à la communauté nationale». Et «quel plus beau symbole» pour incarner ce message que cet Arménien communiste, ­porteur des idéaux de la Révolution française, amoureux de la France au point d’en solliciter deux fois la nationalité – qui lui sera ­refusée – et de se sacrifier pour elle. «Un étranger peut mourir pour la France parce qu’elle porte des projets plus grands qu’elle. La nationalité, c’est aussi ça», résume Pierre ­Ouzoulias.

«Convergence mémorielle inédite»

Un parcours qui fait l’unanimité dans la classe politique. «L’histoire de Manouchian, c’est plusieurs histoires de France. Celle de la Déclaration des droits de l’homme, d’un combattant de l’ombre, d’un résistant mort avec panache, d’un sacrifié sur l’autel de la liberté. C’est un héros français», s’enflamme Nicolas Daragon. «Sans rien perdre de son arménité, il était pleinement français», abonde le chef des sénateurs LR, Bruno Retailleau. Cette concorde va jusqu’au Rassemblement national : fidèle à sa stratégie de normalisation, il a voté en mars 2022 un vœu du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes pour la panthéonisation de Missak Manouchian. Seuls les quatre conseillers du groupe Liberté, identité, souveraineté (LIS), proches d’Eric Zemmour, ont voté contre. «Ce n’était pas la France, sa préoccupation, mais le communisme, cette idéologie qui a fait des millions de morts», avait justifié sans honte le conseiller ­régional Stéphane Blanchon.

Français par choix et non par le sang, Manouchian avait parfaitement conscience que pour certains, les épigones de Maurras, il n’était pas un «Français» authentique : «Vous avez hérité de la nationalité française, nous nous l’avons méritée», avait-il lancé lors de la parodie de procès du «groupe Manouchian» en février 1944, à l’adresse de la presse collabo le conspuant. Le rejet de ces étrangers «noirs de barbe et de nuit», «hirsutes» et «menaçants», est aussi exprimé par Aragon dans son fameux ­poème Strophes pour se ­souvenir : «Nul ne semblait vous voir français de préférence /Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant /Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants /Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE» – le poème, mis en musique en 1959 par Léo Ferré, devrait être chanté dimanche par le chœur de l’armée française.

Là est le destin singulier de l’un des visages de l’Affiche rouge, affiche de propagande nazie devenue une galerie des héros. Poète passé à la postérité grâce à un poète, «Manouchian est entré dans la mémoire ­collective avant d’entrer au Panthéon», à l’inverse de Jean Moulin : le geste de De Gaulle et le célèbre discours de Malraux en 1964 avaient précédé son «invention sociale», explique ainsi Denis Peschanski.

Manouchian n’est pas seulement une figure politique consensuelle, enjeu d’une tentative de réconciliation nationale : sa panthéonisation marque aussi une nouvelle étape dans l’histoire de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance. Celle, après des décennies de tiraillements entre les mémoires gaullistes et communistes, d’une «convergence mémorielle inédite», selon Peschanski.

Le 21 février 2024, Missak Manouchian, accompagné de Mélinée, quittera l’anonyme cimetière d’Ivry-sur-Seine, en banlieue parisienne, pour rejoindre ­Joséphine Baker, Simone Veil et Victor Hugo dans la glorieuse crypte du Panthéon. En attendant le grand jour, le cimetière a un air bucolique sous le soleil de juin. Des perruches volètent au-dessus des tombes du groupe Manouchian, soigneusement entretenues par le Souvenir français. Ses camarades ne seront pas oubliés : apposée à la sépulture de Manouchian, une plaque rappellera les noms et les sacrifices de ces «grands hommes» à qui la patrie se devait de témoigner sa reconnaissance.

par Eve Szeftel et Victor Boiteau
publié le 16 juin 2023 à 18h23

MISSAK MANOUCHIAN BIENTÔT AU PANTHEON ?


Le 16 juin 2023, le Comité pour l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, le grand résistant FTP-MOI fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien, a été reçu par le président de la République, M. Emmanuel Macron, accompagné de MM Bruno Roger-Petit, Conseiller mémoire du président, Philippe Belaval, Conseiller spécial culture du président, et du Commissaire Le Roch, Adjoint du Chef d’Etat-Major particulier.

Le comité était emmené par son président, Jean-Pierre Sakoun, accompagné de Mme Katia Guiragossian, petite-nièce de Missak et Mélinée Manouchian, Aline Girard, secrétaire générale d’Unité Laïque, Pierre Ouzoulias, sénateur, Nicolas Daragon, maire de Valence et Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS, conseiller historique du Comité.

Après avoir présenté le dossier pour l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, les membres du Comité ont abordé les différents aspects de cette initiative et répondu aux questions du président et de ses conseillers.

Ces derniers ont été très attentifs à la demande ainsi formulée. M. le président de la République a affirmé son intérêt pour cette démarche et annoncé qu’il rendrait sa décision dès le dimanche 18 juin 2023.

Les membres du Comité se sont séparés avec le clair sentiment que leur requête avait été entendue et attendent avec optimisme l’arbitrage présidentiel.

#ManouchianauPantheon#Etceserajustice

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