Le 16 juin 2023, le Comité pour l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, le grand résistant FTP-MOI fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien, a été reçu par le président de la République, M. Emmanuel Macron, accompagné de MM Bruno Roger-Petit, Conseiller mémoire du président, Philippe Belaval, Conseiller spécial culture du président, et du Commissaire Le Roch, Adjoint du Chef d’Etat-Major particulier.
Le comité était emmené par son président, Jean-Pierre Sakoun, accompagné de Mme Katia Guiragossian, petite-nièce de Missak et Mélinée Manouchian, Aline Girard, secrétaire générale d’Unité Laïque, Pierre Ouzoulias, sénateur, Nicolas Daragon, maire de Valence et Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS, conseiller historique du Comité.
Après avoir présenté le dossier pour l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, les membres du Comité ont abordé les différents aspects de cette initiative et répondu aux questions du président et de ses conseillers.
Ces derniers ont été très attentifs à la demande ainsi formulée. M. le président de la République a affirmé son intérêt pour cette démarche et annoncé qu’il rendrait sa décision dès le dimanche 18 juin 2023.
Les membres du Comité se sont séparés avec le clair sentiment que leur requête avait été entendue et attendent avec optimisme l’arbitrage présidentiel.
Durant la Seconde Guerre mondiale, les étrangers ont occupé une place décisive dans la résistance au nazisme. Venus en France pour des raisons économiques ou politiques, Italiens antifascistes, Espagnols républicains, Arméniens rescapés du génocide, Juifs d’Allemagne et d’Europe centrale menacés par les pogroms, se sont battus pour le pays qui les avait accueillis. Leur engagement et leur lutte, leur histoire et leur mémoire ont fait l’objet de livres, films de fiction, documentaires, chansons, bandes dessinées, expositions, colloques en France comme à l’étranger.
Le colloque Les étrangers dans la Résistance. Vers l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian se propose d’interroger la reconnaissance institutionnelle de leur engagement. Cette approche sera centrée sur la figure de Missak Manouchian, arménien, né en 1906, rescapé du génocide de 1915, immigré en France en 1925, ouvrier et poète, militant communiste et antifasciste. Engagé dans l’armée française en 1939, entré dans la Résistance en 1941, il devient en août 1943 le chef militaire des FTP-MOI de la région parisienne que les Allemands voudront frapper d’infamie, en les réunissant sur cette « Affiche rouge » qui les rendra immortels. Fusillé le 21 février 1944, il meurt « en soldat régulier de l’Armée française de la Libération ». Le résistant arménien, figure emblématique de l’unité et de l’universalité de la République, est l’une des silhouettes les plus nettes du « long cortège d’ombres » célébré par André Malraux.
Le colloque du 18 février 2023, parrainé par le sénateur Pierre Ouzoulias et placé sous la responsabilité scientifique de Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS et conseiller historique de l’initiative, donnera la parole à des universitaires et des personnalités politiques. Il est organisé en trois sessions : Les étrangers dans la Résistance ; La mémoire de la Résistance des étrangers ; Regards politiques sur la mémoire de la Résistance et l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian. La parole sera également donnée à Katia Guiragossian, petite-nièce de Mélinée et Missak Manouchian, qui lèvera le voile sur les archives familiales inédites du grand résistant.
En partenariat avec
PROGRAMME DU COLLOQUE
Matinée – 9h30-12h15
9h30-10h00 : Ouverture
par Pierre Ouzoulias, sénateur, représentant le Président du Sénat, Nicolas Daragon, maire de Valence et Jean-Pierre Sakoun, président d’Unité laïque.
10h00-10h15 :Allocution
Madame Hasmik Tolmajian, ambassadrice de la République d’Arménie en France.
10h15-10h30 : Allocution
Madame Patricia Miralles, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire.
10h30-12h15 : Les étrangers dans la Résistance (1ère partie)
Président de séance : Pierre Ouzoulias, sénateur
Les Étrangers dans la Résistance. Introduction par Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS, responsable scientifique de l’initiative Missak Manouchian au Panthéon ;
Les Arméniens dans la Résistance intérieure, par Astrig Atamian, chercheuse associée au CERCEC (Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre européen), EHESS ;
Les Juifs étrangers dans la Résistance, par Renée Poznanski, professeur émérite à l’Université Ben Gourion du Néguev ;
La répression et la déportation des résistants étrangers, par Thomas Fontaine, directeur des projets du Musée de la Résistance nationale.
Après-midi – 14h15-17h30
14h15-15h : Les étrangers dans la Résistance (2ème partie)
Les étrangers dans la France libre, par Jean-François Muracciole, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paul Valéry-Montpellier III ;
Les Arméniens de la France libre, par Claire Mouradian, directrice de recherche émérite au CNRS (CERCEC, EHESS).
15h-16h45 : La mémoire de la Résistance des étrangers
Président de séance : Jean-Pierre Sakoun
La mémoire française de la Seconde Guerre mondiale. Introduction par Denis Peschanski ;
La mémoire des résistants espagnols en France, par Geneviève Dreyfus-Armand, présidente d’honneur du Centre d’études et de recherches sur les migrations ibériques ;
La mémoire des fusillés du Mont-Valérien, par Jean-Baptiste Romain,directeur des Hauts lieux de la mémoire en Île-de-France à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre ;
Les étrangers dans la mémoire française : une approche par l’histoire culturelle, par Pascal Ory, de l’Académie française.
16h45-17h15 : Mémoire et souvenirs de Missak Manouchian
par Katia Guiragossian, documentariste, petite-nièce de Missak et de Mélinée Manouchian.
17h15-17h30 : « Le peuple français saura honorer notre mémoire dignement », par Jean-Pierre Sakoun
Parce qu’il symbolise l’engagement des étrangers morts pour la France dans le combat contre le nazisme et pour la République, des personnalités demandent le transfert des cendres de ce résistant fusillé en 1944 au mont Valérien.
Photographie de Missak Manouchian dans les années 30 (CRDA)
par Un collectif publié le 13 janvier 2022 à 16h17
Nicolas Daragon, maire de Valence, ville où sont installés tant de Français d’origine arménienne et Jean-Pierre Sakoun, président de l’association Unité laïque, ont réuni autour d’eux un groupe de personnalités pour demander au président de la République le transfert des cendres de Missak Manouchian au Panthéon. Ce projet s’appuie sur l’autorité scientifique de Denis Peschanski, conseiller historique. Un large comité de parrainage est en cours de constitution dans un esprit d’unité nationale. Un appel public à signatures sera lancé au premier semestre 2022.
Missak Manouchian est mort pour la France, fusillé à 37 ans le 21 février 1944 au mont Valérien. Il représente non seulement ses compagnons de l’«Affiche rouge», mais aussi ces étrangers qui firent la France et dont la France fit des citoyens, le vaste peuple des ouvriers, typographes, cheminots, employés, intellectuels et poètes, hommes et femmes d’héroïsme et de devoir. Tous illustrent l’idéal d’une République où comptent avant tout l’amour de la patrie et l’adhésion aux principes universalistes qui la régissent.Archive (11 décembre 2009)
Avec Joséphine Baker, ils seront l’emblème de tous les êtres humains qui aujourd’hui encore, en Afrique, en Asie, en Europe, en Amérique latine, chantent la Marseillaise lorsqu’ils veulent faire entendre leur cri de liberté. En 2014 encore, les insurgés du Maidan à Kiev chantaient la Marseillaise comme avant eux tous les peuples qui se sont soulevés contre l’arbitraire et la misère depuis 1792.
Militant communiste, internationaliste et antifasciste
Missak Manouchian est un Arménien, enfant rescapé du génocide ottoman de 1915, immigré en France en 1925, artisan, puis ouvrier devenu poète et résistant. Militant communiste, internationaliste et antifasciste, il s’engage dès avant la guerre dans la lutte contre le nazisme. Entré dans la Résistance, il devient le chef militaire des Francs-tireurs et partisans français – main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) de la région parisienne que les Allemands voudront frapper d’infamie, en les réunissant sur cette Affiche rouge qui les rendra immortels. C’est «en soldat régulier de l’Armée française de la Libération» qu’il meurt avec ses camarades «étrangers et nos frères pourtant».
Emancipé grâce à la République française, aux rivages de laquelle il aborda avec espoir et qui lui donna la liberté, l’égalité et la fraternité, Missak Manouchian sut se battre pour elle jusqu’au sacrifice. Il ne demanda «ni la gloire, ni les larmes, ni l’orgue, ni la prière aux agonisants». Il illustre le dévouement de ces Français par le sang versé, nourris des Lumières et de la mémoire de la grande Révolution, reconnaissants envers ce pays qui fut la terre d’accueil et le phare de tant de persécutés.
Venu en France, son «pays de préférence», il fait partie de ces Arméniens industrieux qui ont épousé la République et le peuple français, auxquels ils appartiennent désormais. Il disait quelques jours avant sa mort : «Vous avez hérité de la nationalité française, nous l’avons méritée.» A sa femme tant aimée Mélinée, le jour de son exécution, il écrivait dans une lettre immortalisée par Louis Aragon et Léo Ferré : «Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement.»
Nous sommes dans un moment de l’histoire où vont progressivement s’épuiser, faute de combattants, les hommages nationaux aux héros de la Seconde Guerre mondiale. L’entrée de Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération, dans la crypte du mont Valérien et celle de Joséphine Baker au Panthéon sont les symboles de la disparition de ces héros. Il ne faut pas que soit oublié l’un des résistants les plus emblématiques et les plus unanimement respectés, qui symbolise l’engagement des Français de cœur dans le combat contre le nazisme et pour la République. Missak Manouchian est l’une des silhouettes les plus admirables du long «cortège d’ombres» célébré par André Malraux.
Oui, la place de Missak, Français de cœur, Français par le sang versé, est au Panthéon.
Signataires : Nicolas Daragon Maire de Valence, Katia Guiragossian Petite-nièce de Missak et de Mélinée Manouchian, Nathalie Heinich Sociologue, Guy Konopnicki Journaliste et écrivain, Alain Minc Conseiller politique, essayiste et dirigeant d’entreprise, Pascal Ory Historien, membre de l’Académie française, Pierre Ouzoulias Sénateur, Denis Peschanski Historien, directeur de recherches au CNRS, Ernest Pignon-Ernest Artiste plasticien, membre de l’Académie des Beaux-Arts, Jean-Pierre Sakoun Président d’Unité laïque et Claudine Tiercelin Professeure au Collège de France.